Olivia Charlet | Nutrithérapie & Naturopathie

Le syndrome auto-immun thyrogastrique

05/05/2020

estomac syndrome thyrogastrique thyroide

On parle très souvent des problématiques liés au ventre et on se focalise sur l'intestin et l'hyper-perméabilité de la muqueuse intestinale. Or, souvent ce ventre qui est en souffrance n'est pas à l'origine des problèmes mais une des conséquences. L'hyper-perméabilité n'est pas à prendre à la légère loin de là (un article dédié à ce sujet est en préparation...) mais se focaliser uniquement dessus et oublier les différentes étapes de la digestion dont celle au niveau de l'estomac, ne permettra pas toujours de résoudre les problèmes d'intestin irritable  dont certaines personnes peuvent souffrir.  D'ailleurs, de plus en plus de personnes ont des petits maux voire des plus gros, tous liés au ventre. Ce n'est pas un hasard étant donné notre mode de vie et les modes de consommation actuels. 

De plus ne plus de personnes, notamment des femmes en majorité, souffrent de problématiques liées à la thyroïde : hypothyroïdie, maladie de Hashimoto ou maladie de Graves- Basedow ... Il est d'ailleurs très fréquent dans ces problématiques de santé de souffrir de désagréments intestinaux: ballonnement, maux de ventre, constipation ou transit accéléré...

Alors, vous allez me demander, mais qu'est-ce le syndrome auto-immun thyrogastrique ?

Le syndrome auto-immun thyrogastrique est l’association autoimmune d’une atteinte thyroïdienne (thyroïdite de Hashimoto ou maladie de Graves- Basedow) et d’une atteinte de la muqueuse gastrique (anémie de Biermer qui est une maladie auto-immune touchant l'estomac) chez une même personne. Il a été décrit scientifiquement la première fois dans les années 1960. (1) Vous trouverez également prochainement un article dédié à l'auto-immunité  et le rôle de notre système digestif dans ce blog.

Il faut savoir que la thyroïdite de Hashimoto est fréquemment associée à une anémie de Biermer et et/ ou un diabète de type 1  mais également à d'autres maladies auto-immunes.  C'est d'ailleurs le cas de la maladie de Graves-Basedow. On parle de polyendocrinopathies auto-immunes. En effet, on peut la retrouver également associée à d’autres maladies auto-immunes :   vitiligo, maladie de Addison, urticaire chronique spontané, myasthénie grave et affections auto-immunes cutanées péri-orales.  C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il faut véritablement travailler sur les sources de la problématique, notamment l'intégrité fonctionnelle du système digestif et du microbiote associé, afin d'éviter ces associations...

Ainsi, chez les diabétiques de type 1, l’anémie de Biermer, les maladies de la thyroïde et celles du collagène vasculaire sont les processus auto-immuns les plus fréquents. La thyroïdite de Hashimoto est présente chez près de 40% des patients atteints de Biermer (2) ce qui a amené à parler de ce fameux syndrome auto-immun thyrogastrique . Malheureusement, ce lien est peu connu et mériterait une investigation approfondie.

L’anémie de Biermer reste très largement sous-diagnostiquée par l’installation lente et progressive de l’anémie macrocytaire qu’elle provoque (5 à 10 ans) et par la réserve hépatique de la cobalamine (vitamine B12). Les stades précoces de la maladie sont dépourvus de manifestations cliniques et elle peut être corrigée par une simple supplémentation en vitamine B12, folates et fer. (3) Elle toucherait principalement des femmes avec une carence en fer qui persiste malgré une complémentation. 20 à 30% des sujets avec carence martiale  aurait une anémie de Biermer.

D'ailleurs, dans ce cas, la thyroxine (traitement donné en cas d'hypothyroïdie) est mal absorbée et demande des doses plus importantes par manque d'acide. (4)

Pour bien comprendre, l'anémie de Biermer se caractérise par l'atteinte du fundus de l’estomac (la zone supérieure de l'estomac) entraînant une atrophie glandulaire fundique et une réduction du nombre de cellules pariétales, ce qui a pour conséquence une réduction drastique voire une disparition du facteur intrinsèque (une protéine essentielle dans l'absorption de la vitamine B12), et en parallèle une hypochlorhydrie voire à terme une achlorhydrie
Les membranes des cellules pariétales sont équipées d’une  pompe H+/K+-ATPase (une enzyme bien spécifique) qui assure la sécrétion de protons responsables de l’acidité du liquide gastrique. La pompe à protons est  en effet située au pôle apical des cellules pariétales ou bordantes de la muqueuse gastrique. Si il y a atteinte de ces cellules, il y a de moins en moins de ces pompes et donc d'acide. L'estomac est en effet le seul endroit de notre organisme où le pH est de 1 voire 2, donc extrêmement acide et ce n'est pas pour rien. L'estomac se protège par un mucus de cette acidité. 

Ce qu'il faut comprendre est que cette achlorhydrie ou hypochlorhydrie suivant le stade avancé, et la disparition du facteur intrinsèque, vont affecter la biodisponibilité de nombreux nutriments qui ne se limitent pas à la vitamine B12 et au fer mais également les vitamines B9, D, C ainsi que le calcium.(5). De plus, une hormone gastrique, la gastrine va s'élever fortement pour tenter de stimuler la synthèse d'acide. 

Ainsi, de nombreuses personnes avec une problématique auto-immune thyroïdienne  ont également des carences en fer, en vitamine B12 et en vitamine D mais pas seulement !

Il faut savoir que l'indicateur les plus fiables pour déterminer une carence en vitamine B12 n'est pas le taux de B12 dans le sérum sanguin (< 150pmol/l) mais surtout le dosage de l’homocystéine (> 12,5 μmol/L) et  également celui de l’acide méthylmalonique (>0,4μmol/L). 

C'est un autre sujet mais il faut savoir qu'en vieillissant, on a tendance à avoir moins d'acide dans l'estomac, souvent lié à un déséquilibre du microbiote gastrique et intestinal dont les habitudes alimentaires en sont le plus souvent responsables.

Il faut  comprendre le rôle essentiel du pH bas (1 voire 2) dans l'estomac car c'est cet acide qui va permettre la dénaturation des protéines (pour faire simple leur découpage en acides aminés) et la synthèse de la pepsine, enzyme essentielle dans la digestion des protéines.
En cas d'hypochlorhydrie, la digestion des protéines (animales et végétales) va donc être compromise augmentant notamment les risques de désordres immunitaires et les problèmes gastro-intestinaux. La première phase de transformation des polymères d'acides aminés en monomères avec destruction de leur identité antigénique ne peut être efficiente ce qui va favoriser un terrain inflammatoire au niveau de la muqueuse intestinale. On fait alors le lien entre intestin irritable et, estomac non fonctionnel. N'oublions pas que la caséine est la protéine principale des produits laitiers et les prolamines (dont fait partie le gluten) sont les protéines des céréales. On les retrouve très souvent mal découpées et passant la muqueuse intestinale à la perméabilité accrue, elles vont entraîner des réactions immunitaires (allergies de type 3 ou dites retardées, avec production d'anticorps soit d'immunoglobulines de type G). Mais elles  agiront également sur le développement d'une flore de putréfaction car elles ne peuvent pas être utilisées par l'organisme lorsqu'elles ont sous forme de peptides (séquences de protéines mal découpées), et deviennent des substrats pour des bactéries pathogènes. Une dysbiose s'installe alors

Ainsi ce syndrome thyrogastrique demande à être investigué en cas d'une pathologie auto-immune touchant la thyroïde.

En cas d'achlorhydrie ou d'hypochlorhydrie avérée, la prise de bétaïne HCL suivant un dosage précis est une stratégie de réacidification efficace de l’environnement gastrique en présence de nourriture (à prendre lors d’un repas).   L'amélioration du pH  (baisse du pH) permettra une meilleure absorption des nutriments qui sont dépendants de ce pH gastrique ( notamment fer et calcium) et  agira positivement sur le rétablissement de l’équilibre du microbiote (gastrique & intestinal) et de la  digestion. Bien sûr cela sera accompagné d’une alimentation riche en fibres , source de prébiotiques ( légumes, oléagineux, légumineuses... ) et  en oméga-3 (sous forme végétale et sous forme active EPA et DHA), d’une mastication adéquate, première étape de la digestion. La prise d’un spectre d’enzymes digestives sera également d’une grande aide pour restaurer une digestion optimale et bien sûr un travail micro-nutritionnel sur la réparation de la muqueuse intestinale, notre première barrière immunitaire devra être mis en place sur le long terme. 

Prendre soin de son estomac est essentiel pour être en bonne santé !

 

Références:

(1) udhope GR, Wilson GM.— Anaemia in hypothyroidism. Incidence, pathogenesis, and response to treatment. Quart J Med, 1960, 29, 513-538.

(2) Acta Biomed. 2018; 89(Suppl 8): 100–103.doi: 10.23750/abm.v89i8-S.7919.Autoimmune diseases in autoimmune atrophic gastritis.Isabel Rodriguez-Castro Kryssia, Franceschi Marilisa, Miraglia Chiara, Russo Michele, Nouvenne Antonio, Leandro Gioacchino,Meschi Tiziana,1 Luigi de’ Angelis Gian, and Di Mario Francesco 

(3) World J Gastroenterol. 2017 Jan 28; 23(4): 563–572.Published online 2017 Jan 28. doi: .3748/wjg.v23.i4.563.Micronutrient deficiencies in patients with chronic atrophic autoimmune gastritis: A review. Federica Cavalcoli, Alessandra Zilli, Dario Conte, and Sara Massironi

(4) Front Endocrinol (Lausanne). 2017 Apr 26;8:92. doi: 10.3389/fendo.2017.00092. eCollection 2017. Hashimoto's Thyroiditis and Autoimmune Gastritis.Cellini, Santaguida, Viril, Capriello, Brusca , Gargano, Centanni.

(5) World J Gastroenterol. 2017 Jan 28; 23(4): 563–572.Published online 2017 Jan 28. doi: .3748/wjg.v23.i4.563.Micronutrient deficiencies in patients with chronic atrophic autoimmune gastritis: A review. Federica Cavalcoli, Alessandra Zilli, Dario Conte, and Sara Massironi


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